The Vanity Tables of Douglas Sirk
Dans cet essai vidéo, zoom sur la coiffeuse et la place particulière qu'elle occupe dans l'univers de Douglas Sirk, le maître du mélodrame. La question sous-jacente est complexe : est-ce un dispositif qui piège les femmes dans un monde artificiel avec un point de vue limité ? Ou est-ce une passerelle vers le passé et l'avenir ?
In this video essay, Rappaport zooms in on the dressing table and the special place it occupies in the universe of Douglas Sirk, master of the melodrama. The subtext is complex: is it a device that traps women in an artificial world with a limited point of view? Or is it a gateway to the past, and the future?
Mark Rappaport a déposé en 2015 des éléments numériques de ses films à la Cinémathèque française. Remerciements à Mark Rappaport.
Au début, l'écriture était un moyen de m'amuser, en déversant une grande quantité d'informations inutiles que j'avais accumulées sur les films et qui encombraient mon cerveau – des choses qui en fait m'intéressaient –, en une sorte d'exutoire : le potin cinématographique, qui a fait quoi, à qui, mêlé à de vagues et inégales connaissances de l'histoire du cinéma, et parfois à une évaluation des films, critique, mais, il faut en convenir, toujours très personnelle. D'une certaine façon, me faire le porte-parole de quelqu'un d'autre, homme ou femme, qui donnerait son opinion sur son œuvre et divers aspects liés à son travail, cela m'est venu très naturellement. Après tout, ce n'est pas si différent de l'écriture de dialogues, à laquelle je m'étais livré pendant plusieurs décennies pour mes propres films et pour une bonne douzaine de scénarios non tournés – excellents pour la plupart, autant le dire moi-même. Mais c'est de la prose, et ça, c'est différent. Tel le bourgeois gentilhomme de Molière, je fus incroyablement content de moi lorsque je découvris que je m'exprimais – que j'écrivais, dans mon cas – en prose. Appelez cela de la fiction si vous voulez, même si ce n'est pas forcément ce à quoi tout auteur de nouvelles, romancier ou critique prétendrait s'intéresser personnellement. Au mieux, c'est une sorte de changelin – qui rêvasse aux films, à des souvenirs et anecdotes (la plupart du temps sur le cinéma, mais pas toujours), à des descriptions d'images extraites de films – quelque part dans le no man's land entre fiction, essai, développement de théories du complot, détails sur les us et coutumes du monde du cinéma, divagations, rêveries fantasques, conjonctures sur le mode « et si... ». À vous de voir.
Mark Rappaport (Le Spectateur qui en savait trop, POL, 2008)
Mark Rappaport : Regarder les corps à travers le miroir de la pellicule
L'originalité des films du réalisateur indépendant new-yorkais Mark Rappaport réside dans la curiosité intime qu'il porte sur le cinéma et sur la fascination qu'il accorde aux corps des acteurs. Il se questionne, entre autres, sur la façon dont les cinéastes filment les comédiens pour percevoir, à travers leur enveloppe charnelle, l'intériorité des émotions, le désir et le processus de la pensée. Mark Rappaport propose ainsi une façon unique d'analyser les films, de raconter l'histoire du cinéma, qu'il traduit en réalisant des œuvres sensibles et indépendantes, en 16 mm ou en vidéo et sans contrainte de durée. Il refait le portrait de John Garfield, décrypte le corps de Rock Hudson, suit la vie de Jean Seberg et se demande comment et pourquoi les femmes des films de Douglas Sirk se regardent dans le miroir...
The Vanity Table of Douglas Sirk est un enchaînement de plans magnifiques, piochés méticuleusement dans les films de Sirk. Un subtil travail de montage qui souligne aisément le raffinement et l'intelligence de la mise en scène de ce cinéaste de l'émotion. Mark Rappaport propose de se focaliser sur le reflet des femmes dans leur miroir, celui de leur table de chevet, mais aussi le noir laqué du piano, l'écran éteint d'une télévision. On y perçoit les doubles regards brillants, désenchantés et solitaires de ces portraits hollywoodiens. On cherche et on devine parfois le trouble qui accompagne ces visages face à eux-mêmes. La voix off participe à cette introspection, s'immisce dans cette intimité, nous guide, et nous donne plus que jamais envie de revoir tous les films de Douglas Sirk.
Hervé Pichard
Lire aussi, en anglais, l'entretien avec Mark Rappaport par James Paynes (« All That Editing Allows ») et l'article de Cathy Lomax « Dressing as necessity: The Vanity Trap of the American Dream » dans le catalogue 2016 de l'Essay Film Festival (Londres) : http://www.essayfilmfestival.com/wp-content/uploads/2016/11/GARAGELAND.pdf (PDF, 1,99 Mo)