Cagliostro
Joseph Balsamo est le mari aimant de la belle et vertueuse Lorenza. C'est aussi, sous le nom de Cagliostro, un redoutable aventurier qui parvient à s'introduire à la cour de France grâce à ses talents de magicien. Sa chance tourne le jour où il prédit à la reine Marie-Antoinette sa mort sur l'échafaud.
Longtemps considéré comme perdu, Cagliostro a été retrouvé par la Cinémathèque française et reconstitué à partir de la version courte correspondant au matériel diffusé par Pathé-Baby, allongée de quelques plans. Le raccourcissement de cette version a conduit à la suppression de plusieurs personnages et de quelques transformations dramatiques. De nouveaux intertitres résument les scènes perdues. C'est donc un montage qui correspond à peu près à la moitié du film lors de sa sortie. Les éléments ont été récupérés en 1958, et, si Langlois avait tiré une copie dès 1964, le film a été sauvegardé en 1988 par Renée Lichtig, qui avait alors réintroduit quelques scènes manquantes (inadaptées à l'édition familiale) retrouvées dans un positif nitrate d'époque. La Cinémathèque française dispose également des coupes de censure établies en Suède au moment de la sortie du film. Ce montage a été restauré en 2010 à partir d'un élément provenant du Svenska Filminstitutet.
Cagliostro est l'œuvre du réalisateur autrichien Richard Oswald. Le film est coproduit par le producteur russe Alexandre Kamenka avec la société Albatros pour la France, et le banquier – également d'origine russe – Vladimir Wengerof pour l'Allemagne avec Wengeroff Films.
Des interprètes célèbres ou en vogue des deux côtés du Rhin ont été sollicités, et on retrouve aussi bien sûr des acteurs habitués du studio russe. Le tournage s'est fait intégralement dans les studios français Natan et Menschen avec les techniciens de la firme russe. À l'image, on retrouve aussi le directeur de la photographie Jules Krüger, précédemment engagé auprès de Gance sur Napoléon ou L'Herbier pour L'Argent. Ses assistants ne sont autres que Marcel Carné, qui aurait déjà travaillé avec le studio russe sur Les Nouveaux messieurs de Feyder, et Jean Dréville, lui aussi présent sur le tournage de L'Argent.
La presse de l'époque souligne la maîtrise technique, les décors de Lazare Meerson, les subtilités de l'éclairage ou encore les prouesses de prise de vues de Jules Krüger. Cagliostro est l'une de ces grandes productions européennes dont l'ambition était de rivaliser avec leurs concurrentes américaines. Malheureusement, lorsque le film sort en juin 1929 simultanément à Paris et à Berlin, le public demande du parlant. Le succès de Cagliostro ne fut donc pas à la hauteur des attentes. Marcel Carné rapporte dans Cinémagazine, où il est alors journaliste : « Quand Richard Oswald vint à Paris, il ne connaissait pas un mot de notre langue. La difficulté semblait redoutable pour un homme qui devait diriger une véritable armée d'opérateurs, d'artistes et de figurants ! Le studio était transformé en une tour de Babel – ou en une Société des Nations – où Français, Allemands, Italiens, Russes, Autrichiens se trouvaient chaque jour réunis par les exigences de la prise de vues. L'interprète, débordé, ne suffisait plus. Chacun devait y mettre du sien pour comprendre, ou se faire comprendre de son voisin. Il en résulta parfois un langage assez bizarre qui ne manquait pas de saveur. » Ou comment se retrouver immergé dans l'esprit d'internationalité caractéristique du studio Albatros.
Camille Blot-Wellens