La Galerie des monstres
Ofélia et Riquett's partagent un amour tendre mais sont obligés de fuir sur les routes d'une Espagne enneigée pour continuer de s'aimer. Ils trouvent refuge et une nouvelle vie au sein du cirque Buffalo, dont ils deviennent les attractions vedettes. Leurs nouveaux compagnons sont désormais une sirène, une femme à barbe, des fauves, une cartomancienne, un dompteur tyrannique...
Le film a été restauré en 4K par le laboratoire du CNC à partir du négatif original du film lui appartenant. Une copie nitrate originale issue des collections de la Cinémathèque française a été sollicitée comme référence pour les teintages, la composition de certains intertitres et pallier quelques lacunes d'images. Ce film a été choisi par le CNC pour célébrer ses 50 ans d'engagement pour le patrimoine cinématographique. Remerciements à Lobster Films.
Avec La Galerie des monstres, Jaque-Catelain réalise son deuxième et dernier film. C'est l'occasion pour lui de faire advenir une œuvre qui manifeste ce que doit être à ses yeux le cinéma : un art populaire qui n'est pas l'apanage d'une élite. Comme acteur, il souhaite vivre passionnément le personnage qu'il incarne. Il veut aussi rompre, tout comme dans Le Marchand de plaisirs (1922), avec l'image lisse de jeune premier qui s'attache à lui depuis Rose-France (Marcel L'Herbier 1919). Il endosse ici le costume de Riquett's, jeune orphelin dégingandé qui traverse l'Espagne avec une bande de bohémiens et trouve à la fois refuge et tourments dans l'univers circassien. C'est l'occasion pour Jaque-Catelain réalisateur, supervisé artistiquement par Marcel L'Herbier, de saisir d'une part de façon quasi documentaire une Espagne enneigée, parcourue d'une bise glacée. D'autre part, il reconstitue l'univers étouffant et hypnotique du cirque Buffalo en convoquant à Épinay une véritable troupe de forains qui campent entre les décors du studio qu'arpentent les lions de Marcel Rosar. Cadrages inventifs, montage frénétique construisent une atmosphère d'étrangeté et de burlesque tragique. Fantaisie et réalité dialoguent dans cette partition visuellement orchestrée par la caméra de Georges Specht et livrent quelques scènes d'anthologie : mélancoliques (les retrouvailles des amoureux près des croix de la Piedad), intimistes (le mariage d'Ofélia et Riquett's sanctifié par une vierge en pleurs), réalistes (la déambulation des forains dans Tolède), étourdissantes (la parade où l'on reconnaît Kiki de Montparnasse en bayadère), ironiques (la pantomime où un lion échappé des ballets suédois est à la recherche de l'Atlantide)... Autant de tableaux à couper le souffle, pour s'étonner, rire et s'émouvoir... La Galerie des monstres est tout autant un essai visuel, parfois proche des recherches des cubistes, qu'un roman d'amour sensible et suranné. C'est ce mélange qui en fait le charme attachant.
Béatrice de Pastre