Le Manoir de la peur
Depuis qu'un mystérieux inconnu et son domestique se sont installés dans un manoir des environs d'un village provençal, une vague de crimes s'est abattue sur le pays et sème la terreur chez les habitants. Le jeune Jean Lormeau, refusant de céder à la peur, part à la rencontre de l'inquiétant propriétaire pour percer son secret.
La restauration du négatif original appartenant au CNC a permis le tirage d'une copie argentique, elle-même numérisée. La version présentée propose une musique originale de François Puyalto, arrangée et interprétée par Tarik Chaouach (Fender Rhodes, mélodica), Rafaël Koerner (batterie) et François Puyalto (basse électrique), produite en 2012 par le festival d'Anères et enregistrée en live au 3 Cinés Robespierre de Vitry-sur-Seine. Remerciements à Sylvain Airault et au festival d'Anères.
L'Homme noir est le premier film fantastique réalisé par Alfred Machin dans son studio de Nice, après une série de comédies, de drames et de satires qui remportèrent un vif succès, notamment grâce à la présence sur l'écran des animaux qui l'entourent depuis ses deux séjours en Afrique de 1908 et 1910. Ainsi, on retrouve, après L'Énigme du Mont-Agel (1924) et Les Héritiers de l'oncle James (1924), Auguste le chimpanzé qui endosse cette fois un rôle inquiétant. Machin trouve dans le village de Gattières, à vingt kilomètres au nord de Nice, les façades austères, les rues étroites et tortueuses qui lui permettent de créer une atmosphère étrange, renforcée par l'usage de l'éclairage artificiel, novateur à l'époque. Romuald Joubé, drapé dans une ample cape, sous un large chapeau noir, y campe un personnage romantique à l'âme inquiète. Ajoutez un manoir se découpant sur un ciel torturé auquel on accède en traversant un cimetière abandonné, des décors intérieurs déformés saisis à travers des perspectives inusitées et vous êtes, non pas dans un film expressionniste allemand, mais dans une œuvre française innovante. Trop, certainement, pour la critique et le public de l'époque, qui ne s'attendaient pas à rencontrer Alfred Machin sur ce terrain de l'étrange et du fantastique fort peu arpenté par les réalisateurs français. Le film peina d'ailleurs à trouver un distributeur. C'est en 1927, soit presque trois ans après sa réalisation, que Universal, compagnie américaine qui abreuvait alors les salles populaires de films d'action et de serials, sort le film rebaptisé Le Manoir de la peur. Habile créateur d'atmosphères, Alfred Machin sait aussi mettre en scène des séquences spectaculaires comme celle de l'accident d'un train sur un viaduc qui le précipite au fond d'un ravin dans l'explosion de la chaudière de la locomotive. Tourné de nuit, cet épisode doit certainement beaucoup aux souvenirs du réalisateur, qui fut l'un des témoins de la catastrophe de Saujon en 1910. Ce soir-là, Machin prend place à Bordeaux dans le train qui doit le ramener vers Paris, et qui déraille. Indemne, Machin porte secours aux nombreux blessés jusqu'à l'arrivée des sauveteurs. Il saisit alors sa caméra, et tourne. Cela fit une bonne séquence pour le Pathé-Journal, dont il était alors un des opérateurs. Et, quelque quinze ans plus tard, une scène d'anthologie dans un des premiers films fantastiques français, trop longtemps oublié.